Ce débat ne peut rester seul l'apanage des élus mais doit bien être partagé auprès de nos concitoyens. Porter ce débat sur la place publique c'est éviter de l'enfermer dans un argumentaire purement technique, relégué aux spécialistes, et de l'interpréter comme étant la préoccupation de celles et ceux qui occupent les "postes" qui pourraient, une fois réformés, être transformés, voir supprimés.
Cette double tribune a donc l'intérêt de porter au grand jour la réflexion qui nous anime et qui devrait opérer de profonds changements dans l'organisation territoriale française dans les années qui viennent. Elle rejoint d'autres débats que nous avons tenus en séances plénières au sein de la Région Centre.
Pour ma part, loin de crier aux loups dès qu'on aborde le principe même de réformer nos institutions, je considère bien au contraire que ce travail est nécessaire et qu'il constitue même un enjeu pour notre démocratie. De scrutins en scrutins, les électeurs désertent les bureaux de vote, pire ils disent ne plus s'y retrouver dans les méandres des institutions actuelles tellement elles sont enchevêtrées. A travers ce cafouillage bien souvent décrié, il est parfois même difficile de savoir au final qui décide, qui porte tel ou tel projet, à l'image des inaugurations où il m'arrive de participer, où parfois les financeurs sont 3, 4, 5 avec autant de discours à la clé!
Je ne suis pas opposée à l'idée de réformer, clarifier les compétences et redonner la place au scrutin électoral dans les lieux de décisions essentiels sur nos territoires.
Premier enjeu, celui de l'intercommunalité. Dans l'enchevêtrement actuel de nos collectivités locales, il y a l'échelle intercommunale aujourd'hui largement répandue et forte de compétences importantes et essentielles sur nos territoires, mais qui ne relève pas du scrutin direct. Cela signifie donc qu'un lieu de décision aussi important soit-il n'est pas soumis au suffrage direct et ne résulte pas de l'adoption d'un projet global de territoire choisi par les électeurs, mais de l'addition des projets municipaux et de la volonté de concertation des élus représentants leurs communes au sein des communautés de communes! Le projet de réforme vise à instituer l’élection au suffrage universel direct des élus communautaires, dès les prochaines élections municipales de 2014, ce qui est une bonne chose.
Le projet de réforme vise également les conseils généraux et régionaux, plus particulièrement leurs représentants, conseillers généraux et régionaux avec comme objectif de les remplacer par des conseillers territoriaux.
Que constate t'on aujourd'hui? De la commune aux régions, on trouve l'intercommunalité, le conseil général. Opérationnels et décisionnaires sur des compétences parfois, souvent, identiques.
Le comité Balladur a été constitué pour réfléchir aux modalités d'une réforme visant à simplifier ce "mille-feuille institutionnel" pour reprendre une expression largement répandue. Le comité a regroupé des compétences, des personnalités d'envergure issues de toutes formations politiques, mais a comporté des oublis qui auraient dû être évités. Ces oublis ont crée des polémiques et ont fondé bon nombre de critiques sur la légitimité de ce comité: un exemple parmi d'autres aucun représentant de l'association des régions de France.
Ce travail fastidieux a abouti à la rédaction finale du Rapport mais a mis en lumière aussi toutes les contraintes et pressions venues d'un système même qui ne peut se réformer de l'aveu même de M.Balladur venu s'en expliquer à Vendôme il y a quelques mois. J'y reviendrai.
Une des principales nouveautés consiste à créer des conseillers territoriaux en lieu et place des actuels conseillers régionaux et généraux. Les collectivités resteraient, les élus eux siégeraient dans les doubles instances. En somme, des élus avec une double casquette, sur des compétences extrêmement larges.
Un des premiers problèmes à mon sens viendrait du mode de désignation de ces futurs conseillers territoriaux: aspect positif, il y a l'idée de revoir le découpage électoral des actuels cantons aujourd'hui non représentatifs des territoires (un élu d'un canton rural, très faiblement peuplé, possède la même voix qu'un conseiller général issu d'un canton urbain, parfois densément peuplé). C'est une piste intéressante pour un possible rééquilibrage.
Mais ce qu'évoque ce projet de réforme, c'est l'idée qu'il y aurait deux modes d'élection des conseillers territoriaux. Ce qui signifie que dans les mêmes instances de décisions, il y aurait certains conseillers territoriaux élus au suffrage universel direct et d'autres sur des scrutins de liste. Inégalité à mon sens qui pourrait induire un risque de représentativité inégale au sein d'une même assemblée.
Dans les cantons dits ruraux (même si redécoupés et élargis), là le scrutin se ferait sur une personne, à l'identique des élections cantonales actuelles: c'est un scrutin qui encourage particulièrement la notabilité et les projets sur un espace réduit, celui du canton. Dans les cantons plus urbains, là il est question de conseillers territoriaux, élus au scrutin de liste à la proportionnelle, donc sur un projet politique plus identifié.
L'inégalité de cette représentativité me pose problème. E.Balladur avouait lui-même à Vendôme que son choix personnel aurait été que cette désignation ne soit pas double, mais au contraire donne la priorité aux scrutins de liste. Mais les oppositions au sein même du comité comme à l'extérieur furent bien trop nombreuses.
Autre conséquence de ce nouveau mode de désignation est d'avoir un double risque: le premier est de voir reculer l'idée d'un projet global de territoire, une vision d'ensemble d'une région pouvant porter sur des enjeux aussi importants que le développement économique, l'innovation, la recherche, la carte des formations ou bien l'aménagement équilibré du territoire, recul lié au mode de désignation double des conseillers territoriaux. Par conséquent, le risque de voir naître des régions "cantonalisées".
Le deuxième risque est de voir reculer la représentativité au sein des futures assemblées départementales et régionales: sur des scrutins de listes, la parité est rendue obligatoire, le renouvellement est possible. Sur les scrutins dits cantonaux, à l'image de notre département qui est représentatif, seules 6 femmes sont élues sur 30 conseillers généraux. On est bien loin de la parité.
Enfin, concernant la clarification des compétences. Le projet de réforme évoque l'idée de voir supprimer la clause de compétence générale. C'est à dire qu'il y aurait des compétences propres à chaque collectivité pour éviter les doublons. L'idée est légitime, mais autant je pense qu' il faut des chefs de file pleinement identifiés, autant sur certains dossiers, la dynamique collective et la solidarité entre plusieurs collectivités peuvent permettre l'émergence de projets locaux qui seraient impossible sans elles. Sur cet aspect là, soit ce projet de réforme évolue soit se pose la question des moyens pour mener pleinement les compétences qui ne pourraient plus être additionnées. L'exemple récent du projet de centre nautique de Blois pose bien la question des moyens permettant de voir aboutir des équipements de cette taille car tous les financeurs potentiels sont bel et bien sollicités, que ce soit le département ou la région. Qu'en serait-il demain? Pourquoi pas des chefs de file, mais donc avec les moyens financiers conséquents adaptés? Pourquoi pas des compétences nouvelles et renforcées issues d'une vraie clarification avec celles de l'Etat?
Le débat est lancé, je le souhaite partagé par les citoyens car il est passionnant et peut résoudre la complexité démocratique et institutionnelle que connait notre pays. Je souhaite que ce débat reste serein, non hâté par des considérations purement calendaires liées à la préparation des futures élections régionales et qu'il puisse poser l'ensemble des enjeux que je viens ici d'exposer:
- la question des compétences pour nos futures collectivités,
- l'enjeu d'un projet réel de territoire large et non de considérations trop locales pouvant dévier au clientélisme,
Si ces enjeux ne sont pas réellement posés,
Si l'unique réflexion porte sur la nécessité de simplifier les strates pour faire des économies en résumant la réforme à l'idée que "s'il y a moins d'élus, cela fera quelques économies" (raisonnement tellement simpliste que je ferais pas de commentaire à ce sujet!),
Pour poursuivre la réflexion sur le devenir des Régions: site de l'ARF (association des régions de France) et plus particulièrement le site Sauvons les régions
Le site de l'AMF (Association des Maires de France) concernant l'intercommunalité
Le site de l'ADF (association des départements de France) qui concerne l'enjeu de la réforme de la fiscalité
1 commentaire:
Alain Hortal,
Tout à fait d'accord avec vous pour dire que la réforme de l'organisation territoriale de la France est plus que nécessaire.
Pour enrichir le débat nous avons 2 excellents rapports à notre disposition. Le premier est celui de la commission "Balladur",le second étant celui de la mission sénatoriale présidée par Claude Belot (UMP Charente-Maritime) dont les co-rapporteurs sont Yves Krattinger (Socialiste Haute-Saône) et Jacqueline Gourault (UC-Loir-et-Cher). Ces deux rapports n'ont pour seul but que d'éclairer le législateur quand le projet de loi viendra devant le Parlement, le Sénat devantêtre saisi en premier.
Pour ma part, ayant été toujours contre cette nouvelle structure administrative ne reposant pas sur le suffrage universel, j'y vois déjà une première et nette amélioration de l'organisation territoriale: la fin de l'hypocrisie de l'Intercommunalité puisque ces deux rapports suggèrent son élection au suffrage électoral ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. En effet, les membres des EPCI sont désignés par les conseils municipaux. Dans la plupart de ces intercommunalités l'opposition n'est pas représentée par la seule décision du maire de la ville centre, alors que le résultat du scrutin municipal est dans une proportion de 51/49. Donc les élus de la moitié des électeurs de cette ville centre n'ont plus droit de regard sur la vie intercommunale. D'autre part, les vice-présidents sont les maires des autres communes mais ils n'ont souvent que des délégations de complaisance, les plus importantes de ces délégations étant réservées aux adjoints de la ville centre.
De plus, les transferts de compétences n'ont trait la plupart du temps que sur des postes lourds budgétairement pour cette ville centre, ce qui entraine un allègement certain de son budget (alors qu'elle risquait d'être mise sous la tutelle du Préfet)mais "plombe" le budget des autres communes.
Lors de sa venue à Vendôme, pour présenter le rapport de son comité, le Premier ministre c'était interrogé sur la constitutionnalité de sa proposition concernant le mode électoral préconisé pour les cantons à savoir une partie élue au suffrage universel direct pour les cantons ruraux et une partie élue au scrutib de liste pour les cantons urbains (qui d'ailleurs en ville connaît le nom de son conseiller général?). Cela ne pose pourtant aucun problème car les sénateurs sont élus de cette manière, de plus le pourcentage de femmes élues éu Sénat est supérieur à celui de l'Assemblée.
Voilà quelques réflexions qui me viennent à la lecture de votre commentaire.
Pour terminer, je voudrai vous dire que je suis profondément autonomiste, non séparatiste, et que je souhaite voir un jour les Présidents de Région lever l' impôt et non passer Place Beauvau chaque fin de mois pour toucher le chèque de dotations et oeuvrer en profondeur pour le développement de leur région sans rejeter sur l'Etat le manque de moyen, actuellement il ne s'agit que de saupoudrage et non d'actions clairement définies, enfin c'est mon avis
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