30 janvier 2008

Conseil Académique de l'Education Nationale (CAEN)

Lundi dernier, se tenait en présence du Préfet de Région et du Recteur de l'Académie Orléans-Tours, le CAEN. A l'ordre du jour notamment la carte des formations pour la rentrée 2008 et la généralisation du BAC PRO en 3 ans.

Texte de mon intervention:

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Recteur,

Avant toute chose, il me semble utile de rappeler les orientations de la Région Centre en matière de formation et d’éducation dans le cadre de ce débat qui s’ouvre sur la carte des formations et la mise en œuvre du BAC PRO 3 ans.
La région a ainsi défini 7 actions prioritaires dans le plan régional de développement des formations (PRDF) adopté en décembre 2003 :
  1. Élaborer la carte des formations professionnelles initiales et continues et sa déclinaison en schémas territoriaux
  2. Mettre en place un service public de proximité pour l’acquisition et la maîtrise durable des savoirs de base
  3. Conception et mise en place progressive d’un dispositif régional d’accompagnement des jeunes ayant des difficultés d’insertion et de formation
  4. Favoriser la formation dans le secteur sanitaire et social
  5. Mettre en place un service public au conseil professionnel
  6. Mixité et égalité professionnelle homme / femme
  7. Développement Durable
Concernant la carte des formations initiales, la région a mis en place 4 orientations majeures :
  1. Améliorer pour tous le niveau des qualifications et des compétences,
  2. réduire fortement le nombre de jeunes qui quittent le système éducatif sans qualification reconnue,
  3. Moderniser et mettre en synergie les dispositifs de formation, en régulant l’évolution des capacités, tout en évitant les « concurrences sauvages »,
  4. répondre aux enjeux de développement des territoires et contribuer à leur dynamisme économique.

La stratégie de la Région est de rechercher la cohérence et la complémentarité en tenant compte
de la baisse démographique, de l’évolution des emplois par secteur professionnel, des spécificités territoriales et en privilégiant l’offre de filières au sein des établissements

Vous l’aurez compris, l’action de la Région est une action concertée qui cherche un équilibre durable. Nous voulons œuvrer pour l’élévation du niveau de qualification des jeunes et faire en sorte qu’aucun jeune ne sorte sans formation professionnelle.

Cependant, tous ces efforts pourraient se retrouver mis à mal par les inquiétudes que provoque la réforme du Baccalauréat professionnel 3 ans que le Ministre de l’Education Nationale a la volonté de généraliser dès la rentrée prochaine
Le 29 octobre dernier, en effet, le Ministre demandait au rectorat d’Orléans-Tours, comme aux autres rectorats, de s’engager rapidement vers la suppression d’un minimum de 50% des BEP de certains secteurs en les remplaçant par des baccalauréats professionnels en 3 ans dès la rentrée 2008. Cette réforme imposée par le haut concernera pourtant 1800 élèves de notre Région.
Dans ce contexte, les mesures envisagées par le rectorat sont de deux ordres :
  • la transformation de 90 sections de BEP en Bac pro 3 ans (et 7 CAP). Au total 2 356 places de BEP sont transformées en 2 192 places de Bac Pro et 99 places de CAP soit un solde négatif de 65 places.
  • la suppression de 261 places de niveau 5 et 4 qui se répartissent de la manière suivante : 93 places de niveau 5 et 168 places de niveau 4.

Les questions que posent la généralisation du bac pro 3 ans
Si la réforme semble devoir être mise en œuvre, de nombreuses questions n’ont toujours pas de réponses, et toutes les inquiétudes ne sont pas levées

La méthode, d’abord sur la réforme du BAC PRO 3 ans: je regrette l’absence de concertation avec les collectivités face à cette mise en place de manière quasi généralisée: la prudence et le temps auraient été pourtant nécessaires

A l’écoute des inquiétudes formulées par les organisations syndicales et les fédérations de parents d’élèves, nous entendons les risques de déstabilisation de l’architecture de notre système éducatif avec la mise en place de cette réforme.

La prudence est pourtant nécessaire. A ce titre, un rapport de l’Inspection de l’Éducation nationale évaluant en 2005 l’expérimentation du bac pro 3 ans constatait que « le parcours en 3 ans n’est qu’un élément de réponse qui ne concerne qu’une faible partie des publics » ajoutant « qu’il y a lieu de souligner qu’une grande majorité d’élèves ne peut pas suivre un parcours vers un bac en 3 ans au terme du collège et à ce titre ils ne doivent pas être oubliés, en fermant trop rapidement les sections de BEP ».

La généralisation des BAC PRO en 3 ans et les élèves en difficultés (cf : rapport de l’IEN)

Le Bac Pro 3 ans, nous dit-on, permettrait une élévation du niveau de qualification, ce que nous souhaitons et partageons tous ici. Mais en réalité, nous savons aussi que tous les jeunes qui faisaient un BEP suivi d’un Bac Pro en 4 ans ne pourront pas réussir le bac pro en 3 ans. Nous pouvons donc craindre que loin d’améliorer l’enseignement, la réforme pourrait entrainer des sorties sans qualifications et donc une augmentation des échecs. Pouvons-nous prendre un tel risque ?

De fait, la suppression des BEP risquerait d’avoir l’effet inverse : accentuer l’inégalité entre élèves. Aujourd’hui, le BEP permet à certains élèves de se réorienter vers les filières technologiques, grâce à une passerelle dénommée « classe d’adaptation », puis de poursuivre vers le supérieur, notamment en BTS. Le bac pro n’offre pas cette possibilité de poursuite des études, sauf pour les détenteurs d’une mention. La suppression des BEP implique de fait la suppression des classes d’adaptation. La conséquence concrète d’où notre inquiétude est qu’il y aurait moins de chance de réussite pour les élèves en difficulté.

Le bac pro 3ans pose aussi des questions pédagogiques et d’orientation :
  • Qu’en sera-t-il des jeunes en difficultés qui ne pourront pas intégrer la filière 3 ans et se verront contraint d’aller vers un CAP ?
  • Quelles sont les filières alternatives pour les jeunes qui ne seront pas admis dans ces filières 3 ans ?
  • Quelles sont les modifications pour les autres opérateurs de formation tels que les établissements privés et les CFA ?

Carte des formations : le risque induit par la fermeture de certains BEP avec fragilisation de certains établissements situés en milieu rural

On le voit, l’efficacité de la réforme est loin d’être totalement prouvée, en tous cas elle pose de nombreuses questions. Et la fermeture des BEP est bien une conséquence concrète de la réforme.

Plus précisément, la réduction massive des BEP dès cette rentrée 2008 modifie profondément la carte des formations.

Selon nos prévisions, la rentrée 2008 sera marquée par d’importantes surpressions de places pour les élèves qui toucheront la plupart de nos établissements. Parmi les établissements les plus concernés, citons :
  • Le LP Beauregard à Château Renault (qui perdrait 15 places)
  • Le lycée Rabelais à Chinon (qui perdrait 18 places)
  • Le LP Jean Moulin à Saint Amand Montrond (qui perdrait 20 places)
  • Le lycée Silvia Monfort à Luisant (qui perdrait 20 places)
  • Le LP Mermoz à Bourges (qui perdrait 23 places)
  • Le lycée Brisson à Vierzon (qui perdrait 23 places)
  • Le Lycée Pasteur au Blanc (qui perdrait 30 places)
  • Le LP Dolto d’Olivet (qui perdrait 30 places)
  • Le LP de Saint Aignan (qui perdrait 33 places)

Cette énumération a pour but de bien nous faire prendre conscience de l’impact concret de cette réforme.

Beaucoup de ces établissements sont situés sur des territoires fragiles. Pourtant ils contribuent à l'animation locale et créent de l'activité.

Beaucoup de ces établissements ont des effectifs faibles mais offrent une qualité d'enseignement et un encadrement adapté, personnalisé au sein de structures de moyennes tailles. Ce type d'accompagnement permet à des jeunes en difficulté de poursuivre leur parcours scolaire vers la réussite. La mobilité vers d’autres établissements n’est aujourd’hui pas une réalité devant les difficultés financières des familles et le blocage, quasi « culturel » de certains jeunes face à cette mobilité. Les établissements de proximité sont aujourd’hui une réponse pour lutter contre le décrochage scolaire que nous avons en Région Centre.

Enfin, nous venons d’adopter le PPI qui fixe le guide d’action de notre collectivité sur les établissements de notre région. On ne peut ignorer l’impact de la carte des formations, si elle devait être ainsi modifiée, sur ces projets d’investissements.

Un contexte et une volonté nette de réduire les moyens accompagnent cette réforme et cette carte pour la rentrée prochaine: la région s'inquiète et se questionne

Enfin, soulignons la volonté du ministère de réduire les moyens qui accompagnent cette réforme. Devant ces réductions, la Région se questionne et s’inquiète :
  • la continuité des formations semble menacée
  • la réduction des effectifs entrainerait une plus grande précarité des enseignants. En 2007, sur des secteurs comme le Loiret, il n’y avait aucune place vacante dans ce département et de ce fait de nombreux élèves se sont retrouvés sans solution.
  • La suppression de postes intervient à un moment où justement la mobilisation pour les élèves en grande difficulté est indispensable

Pour conclure, si nous sommes d’accord pour expérimenter ces bacs pro 3 ans à partir de l’analyse des situations locales et avec l’accord indispensable de la communauté éducative et des conseils d’administration, il ne nous paraît pas pertinent de les imposer et de les généraliser alors qu’ils n’offrent toutes les exigences que nous souhaitons pour les jeunes de notre région.

Par mon propos, j’ai souhaité exprimer la très forte préoccupation du Conseil Régional.

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