16 septembre 2006

Quand la presse dérape

L'histoire commence par un article dans Gala consacré à Arnaud Montebourg. Ensuite, hier, une tribune signée Daniel Schneidermann parue dans Libération.
On aurait pu choisir de laisser sous silence, mais il est interessant de voir comment fonctionne une "certaine" presse. L'auteur de l'article paru dans Gala travaille aussi pour Marianne... cherchez l'erreur! Il rédige son article, laissant penser à Arnaud Montebourg qu'il est destiné à Marianne. La suite, je vous laisse imaginer la manipulation.

Arnaud Montebourg a réagi. C'est la réponse d'un homme en colère qu'on découvre, celle d'un homme qui fixe des régles strictes et que je sais attaché à certains principes.
Je ne sais pas si Libération publiera cette réponse, c'est son devoir de le faire pour rétablir la vérité sur ce qui s'est passé avec Gala.

Réponse d'Arnaud Montebourg à Daniel Schneidermann
Est il possible d'être dans Gala sans l'avoir voulu, ni souhaité, ou en l'ayant refusé ? C'est ce qui est arrivé au responsable public que je suis, et ce qui vous permettra de juger des moeurs journalistiques de notre époque.
Le journaliste auteur de cet article aussi désobligeant que grotesque n'est autre que Daniel Bernard, journaliste au journal Marianne, publication dont j'apprécie les analyses et avec laquelle comme dirigeant politique je dialogue régulièrement. Daniel Bernard était d'ailleurs à Frangy en Bresse pour enquêter sur la nature de l'alliance que j'étais en train de nouer avec la candidature de Ségolène Royal. Il s'attarda après le tumulte quand le soir fut venu et me posa fort légitimement quelques questions sur l'évolution de la situation politique.
Je fus surpris en lisant son journal de constater plus tard que ces matériaux informatifs n'avaient pas été utilisés dans ses articles successifs parus sous sa signature dans Marianne.
La semaine dernière, l'intéressé m'appelle et me dit qu'il pigeait pour Gala, c'est à dire qu'il arrondissait ses fins de mois, en écrivant des articles sur les hommes (ou femmes) politiques. Je lui ai dit que je ne souhaitais pas apparaître dans cette publication. Il m'a répondu avec un culot d'acier qu'il « ne m'en laisserait pas le choix ». J'ai donc demandé deux choses : que ma vie privée n'y figure pas puisque mon épouse et moi-même ne nous sommes jamais exposés dans la presse locale ou nationale, et avons toujours soigneusement protégé nos enfants du regard journalistique. Je précise que cette règle de conduite de ma part n'a jamais varié depuis que je suis devenu parlementaire en 1997.
Je lui ai également demandé de faire figurer dans son article mon opposition à toute forme d'indiscrétion sur ma vie personnelle. Il m'a assuré - certainement pour m'attendrir- que ce serait le cas.
Ces deux engagements ont été trahis par ce journaliste. L'article qui fait état d'éléments de ma vie privée et familiale est construit à partir de ragots non vérifiés déjà parus dans des livres qui me concernent.
Quant à la photo, elle a été prise il y a plusieurs mois par un photographe indépendant lyonnais qui m'avait demandé de réaliser un reportage sur le terrain en Bresse, ce qui fut fait. Les photographies dans le jardin de ma maison bressane ont été prises exclusivement en extérieur parce que le photographe souhaitait un décor rural. J'étais loin de penser que tout cela finirait dans Gala ! C'est bien là ma seule imprudence.
Pour le reste, peut-on enfin comprendre que c'est la presse qui nous réduit nous les responsables publics, à des «people» ridicules, à des caricatures peu ragoûtantes, et qui ne nous permet pas de nous exprimer sur nos projets, nos convictions, et nos idées.
Que dois je faire, cher Daniel Schneidermann, devant tant de petitesse ? M'abaisser à téléphoner au directeur de Gala pour lui demander de ne pas publier ? On aurait crié à l'atteinte à la liberté de la presse ! De beaux principes qu'il faut en effet défendre pour masquer de vilaines pratiques. Faire un procès à Gala ? C'est certainement ce que je vais faire, mais vous verrez qu'on criera au censeur.
En tous cas je vous demande de continuer à vous battre comme je le fais moi même pour que la presse participe à la construction de la démocratie, si fragile démocratie. Il y a d'énormes problèmes à régler en France. Les dirigeants politiques que nous sommes n'y arriveront pas seuls, ils auront besoin des citoyens, et pour assurer le dialogue entre eux d'une presse solide, sérieuse et attachée à l'avenir de notre beau pays.
Arnaud Montebourg

Montebourg est dans «Gala» Par Daniel SCHNEIDERMANN
Ça commence comme l'annonce d'une trahison. Evidemment, sur Europe 1, radio du groupe Lagardère, on jubile au petit matin. Pensez donc : Arnaud Montebourg pose dans Gala . Oui, oui, souvenez-vous, le Saint-Just, le Savonarole, celui qui voulait traîner Chirac en justice, celui qui avait osé appeler tous ses congénères responsables politiques à déserter les émissions de divertissement. Le même, à peine bombardé porte-parole de Ségolène Royal, n'a rien de plus pressé que de poser dans Gala, devant sa maison de campagne. Il fallait s'y attendre, chers auditeurs. Tous les mêmes. Tous à la soupe. On cherche donc le magazine, tremblant d'y découvrir les pièces de la trahison. Le voici, avec Britney Spears enceinte en couverture (deux bébés en un an) : «Le deuxième, je ne l'avais pas prévu.» Et aussi Michel Polnareff : «Tous les secrets de son retour.» Et encore Hélène Segara : «L'épreuve qui a changé ma vie.» Et enfin Jean-Luc Delarue : «Les bonheurs d'un futur papa.» Il est donc caché quelque part par ici, le prophète de la VIe République, le traqueur du quasi-délinquant Chirac, le contempteur des dérives monarchistes. Quelque part à l'intérieur de la cage de papier glacé, en compagnie de Britney Spears et de Segara. Il est donc là, entre la star de la pop et le voleur de patates de la télé, capturé, prisonnier, épinglé, encagé, perdu. La voilà, page 48, la photo du reniement. Un gros plan de Montebourg tout seul, veste bleue, chemise bleue, sans cravate, dans le jardin (ou le parc ?) de la maison de sa circonscription de Saône-et-Loire. Au fond, un bout de toit, deux fenêtres, on devine la chaumine (le manoir ?), davantage qu'on ne la voit. Gala s'est fendu d'un titre à la Gala : «Le play-boy de Ségolène.» Et ce sous-titre accablant, du magazine qui n'est pas peu content de sa prise : «En devenant officiellement le porte-parole de la reine des sondages, le trublion du PS a retourné sa veste.» En un titre et une photo, se trouve donc rassemblé tout ce qu'on craignait. Et, derrière cette photo, plusieurs autres encore. Arnaud à l'Assemblée, dans un hall de gare, entre deux piles de dossiers, avec Ségolène. La cause semble entendue : Montebourg est tombé dans la soupe des people. Mais observons de plus près l'ossature du reportage. Sur la photo principale, celle qui fige notre première impression, et va colorer l'ensemble des deux pages, Montebourg, en son parc, semble d'allure nettement maussade. La bouche tordue par une mystérieuse mimique, le regard fuyant vers la gauche, les bras croisés dans une posture de refus, l'ensemble semble surtout trahir surprise et malaise d'être là. Là, captif du papier glacé, en vis-à-vis d'une pub pour une mousse de coiffage qui donne des boucles «toniques, brillantes et parfaitement dessinées», et discipline les frisottis. Pas très Gala, cette photo. D'ailleurs, il fait copieusement la tête, Arnaud Montebourg, depuis qu'il a accepté son nouveau job. L'autre dimanche encore sur Canal +, dans la nouvelle émission de Laurence Ferrari, il fallait le voir en apparatchik refusant de répondre sur ce secret d'Etat : de qui se compose donc l'entourage de Ségolène ? Visage fermé. Circulez, y a rien à voir. Entourage ? Quel entourage ? Et puis, en regardant encore de plus près, apparaît en creux ce qui manque, dans les deux pages. Par exemple, la chaleur de l'entourage familial. Absent le fils aîné, avec qui «l'insatiable bretteur», comme dit l'article, adore jouer aux échecs. Absente la conjointe, épousée «sous la voûte sublime de l'abbaye cistercienne de Valmagne» . Absente la «joyeuse bande de fêtards» de l'entourage, parmi lesquels «les journalistes Isabelle Giordano et Philippe Vandel» . Et, finalement, on devine bien tout ce qu'il n'a pas cédé. On l'imagine bien, négociant avec le photographe les modalités de la reddition : OK pour le jardin, mais pas la cuisine, ni le salon. Et pas de femme, pas d'enfants, pas de chien, pas de jogging. Et pas davantage de sourire, évidemment. OK pour prêter mon corps à Gala, je ne voudrais pas sembler faire la leçon à la patronne en faisant la fine bouche, mais vous n'aurez pas mon âme. Résultat : les deux pages racontent surtout une sourde lutte entre «le gentleman farmer un brin anar» et le dispositif. On voit bien que tout le dispositif (légendes des photos, article) concourt à «galaïser» «le boutefeu qui déboulait dans les banques luxembourgeoises» . Mais on voit aussi que «l'imprécateur rose», après avoir mis le bout du doigt dans le système, se tient debout sur les freins pour éviter de se faire découper en morceaux. Y aller ou pas ? Accepter ou non, de devenir un people ? La tentation est forte. Il en a tellement envie, le système, de digérer le «boutefeu», «l'anar», le «corsaire», le «mouton noir», le «sans-culotte à l'assaut de toutes les Bastilles qui passent», et de forcer le pourfendeur de la Ve, de toutes ses dérives monarchisantes, à prêter la main à l'une des mille petites déclinaisons du culte de la personnalité. Certes, Montebourg résiste héroïquement. Mais ce que l'on retiendra, au total, c'est la rumeur de la défaite. Pour tous les auditeurs d'Europe 1 et du buzz qu'elle orchestre, seule surnagera la fracassante nouvelle : Montebourg est dans Gala . Toute négociation avec le système est illusoire. La pomme de terre ne négocie pas avec la soupe.

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